A propos de Philippe Rahm architectes Actualités Projets Publications Contact



Radiation

Conduction Convection
Pression Evaporation Digestion





cliquez
images plein ecran



 <       > 
 1     2     3     4     5     6   

Maisons à Mergoscia

Transformation d’un hameau de 4 maisons à Mergoscia

La question du développement durable appliqué au bâtiment est double : d’une part un déplacement de hiérarchie quant aux éléments et aux objectifs de l’architecture lesquels glissent maintenant du visible vers l’invisible, de la composition métrique à la composition thermique, de la pensée structurelle à la pensée climatique. Il y a donc un processus d’éclaircissement, de vaporisation, d’allégement, qui reformule l’idée d’architecture sur son essence météorologique et physiologique : celle du phénomène d’un côté, du sensuel de l’autre, et de leurs échanges. L’espace est alors pensé comme une atmosphère physique, chimique dans laquelle on est immergé et que l’on transforme en y habitant, par la respiration, par la transpiration, par le rayonnement thermique de notre propre corps. À un niveau strictement architectural, l’objectif du développement durable est de réduire la quantité de gaz à effet de serre dégagée par le bâtiment lors de son exploitation, c’est-à-dire une diminution importante de l’énergie consommée dans le bâtiment, principalement au niveau du chauffage et de la production d’eau chaude. Cet objectif se traduit architecturalement moins à un niveau formel que climatique, c’est-à-dire qu’il exige de repenser la question des techniques du bâtiment comme le chauffage, la ventilation, l’isolation de l’enveloppe du bâtiment, la gestion de l’humidité en tant qu’éléments nouveaux du langage architectural et de son design. Composition thermique, design du renouvellement horaire de l’air ou dessin des taux d’humidité relative pourraient ainsi devenir de nouveaux critères esthétiques pour la composition architectural.

Il y a d’autre part un intérêt quant à une reformulation des modes d’habitation de l’espace. Il est absolument certain que l’émergence d’une technique modifie les modes de vie et d’utilisation de l’espace. Ainsi, le chauffage central qui distribue de façon homogène la chaleur dans l’ensemble des pièces de la maison a produit des typologies d’habitation très différentes des plans générés par un chauffage unique par cheminée ou poêle central. Le foyer unique dans les maisons de campagne d’autrefois, à la fois chauffage et lieu de cuisson des aliments quand sa fumée ne servait pas en plus au fumage pour la conservation des aliments, ce foyer donc, organisait la maison de façon thermique et non pas culturel, distribuant le plan et la coupe de la maison en rapport avec la chaleur, mixant des activités que nous connaissons aujourd’hui de façon séparées. En effet, près du feu, c’était tout autant et en même temps le lieu de cuisine, de séjour, de chambre à coucher des personnes âgées, c’est-à-dire que la maison se composait en fonction de qualités thermiques permettant des variations saisonnières d’usages et des migrations à travers la maison elle-même. Le chauffage central, quant à lui, déterritorialise la maison vis-à-vis de son contexte, supprimant la relation géographique et climatique entre l’espace intérieur et son environnement extérieur immédiat au profit d’une continuité homogène du climat dans toute la maison, quelle que soit l’orientation.

Aujourd’hui, la réduction du rejet des gaz à effets de serre par le bâtiment lors de son exploitation passe par plusieurs mesures principales : une très grande isolation thermique de l’enveloppe du bâtiment, une parfaite étanchéité à l’air de cette enveloppe, un renouvellement d’air contrôlé double flux. Les nouvelles données liées au développement durable est une nouvelle réalité qui offre la chance de transformer l’architecture selon de nouvelles hiérarchies permettant l’émergence d’un langage nouveau, plus météorologique, plus sensuel comme le point d’entrée d’une architecture comme atmosphère.

Sans présupposé formel ou fonctionnel, en se laissant surprendre par l’émergence de possibles non déterminée au départ, l’architecture devient une exploration immédiate de ce langage.

Le projet pour la Casa d’Abitazione, la maison haute questionne les valeurs du coefficient de conductibilité thermique U de la façade que l’on cherche à atteindre par l’épaisseur de l’isolation thermique de l’enveloppe du bâtiment. La valeur U est la mesure qui indique la déperdition de chaleur par mètre carré d’un élément du bâtiment. Une petite valeur U est donc le signe d’une bonne protection thermique. Par une approche critique de ces valeurs, le projet veut faire émerger et inventer presque par hasard, de nouveaux types d’espaces et de fonctions tout en réduisant par un facteur 8 la consommation d’énergie dans les bâtiments. Le projet présenté ici concerne la maison d’habitation laquelle sera transformée en maison d’habitation familiale pour le maître d'ouvrage. La maison actuelle est une construction typique de la région en pierre sèche granitique (murs et toiture). Malgré l’épaisseur de ces murs (60 cm), le coefficient de conductibilité thermique de l’enveloppe reste trop élevé, à peu près 0,4 W/m2k et n’atteint pas l’objectif d’isolation définit dans le programme suisse « Minergie » qui est de 0.2W/m2k. Pour atteindre ce chiffre, il est nécessaire d’ajouter une couche d’un matériau isolant (un produit minéral dérivé du liège et laissant passer la vapeur d’eau pour éviter les phénomènes de condensation) d’une épaisseur d’environ 10 cm. Notre travail d’architecte commence ici, c’est-à-dire dans le questionnement critique de l’addition de cette nouvelle couche d’isolation. Devons-nous l’ajouter partout, doubler l’ensemble du mur en pierre par cette nouvelle isolation ? Devons nous transformer totalement le climat intérieur de la maison de façon homogène et régulée ? L’une des qualités de cette maison, qui est en même temps son défaut, est de proposer des pièces qui ont chacune des climats très particuliers et très déterminés. Ainsi, les pièces tout en bas sont très sombres, très humides et toujours fraîches parce qu’à moitié creusées au nord dans la montagne de laquelle suinte les eaux de ruissellement. Elles ont néanmoins trouvé un usage : on y stocke du matériel, mais aussi du vin et des pommes lesquels ont besoin de ce climat humide et frais pour se conserver. Les pièces intermédiaires, à l’étage, ensoleillée et tempérée sont utilisées comme lieux de vie. À l’arrière, hors sol maintenant, on y trouve des pièces sombres, tièdes mais plus sèches lesquelles constituaient des réfrigérateurs archaïques où l’on conservait le lait et les produit frais. Au-dessus, sous le toit, on faisait sécher les herbes et le fourrage dans ces espaces secs et chauds. Ces différentes qualités d’humidité, de température et de luminosité, lesquels varient à travers l’année, selon les saisons, sont à l’opposé de la pensée normative et d’homogénéisation climatique de l’architecture actuelle. Sans correspondre aux objectifs de confort actuel, nous y voyons quant à nous néanmoins une richesse de composition thermique de l’espace, une diversité d’atmosphère pouvant suggérer des usages, des utilisations comme se rafraîchir en été dans la fraîcheur basse et humide des étages les plus bas ou se réchauffer en hiver dans les hautes couches chaudes de l’air.

Notre projet se donne ainsi de dissocier du mur en pierre existant, à certains endroits, le nouveau doublage d’isolation thermique, de l’en éloigner afin d’y ouvrir des espaces intermédiaires, d’un coefficient thermique un peu moins bon, mais plus sensible à la qualité du contexte climatique immédiat, plus variable, réengageant l’architecture dans un dialogue sensuel avec les saisons, les mouvements météorologiques, son exposition au soleil et à la nature physique de son sol. Naît alors une sorte de cheminée climatique moins contrôlée mais néanmoins tempérée qui glisse de bas en haut, se développe sans interruption comme un passage secret et irrationnel dans l’organisation thermique à 0.2W/m2k de l’ensemble de la rénovation, développant librement un ensemble de situations climatiques, entre le plus froid et plus humide en bas au plus chaud et plus sec en haut. C’est dans ces espaces que prendront place les produits du jardin qui seront conservés selon leur nature à un certain taux d’humidité, une certaine température, mais aussi l’ensemble des autres produits entreposés, tel qu’objets ou habits dont on choisira judicieusement l’emplacement en fonction des taux d’humidité et des températures nécessaires à leur conservation. Menthe qui sèche en hauteur, légumes mis en conserves et stockées à l’abri de la lumière, sirop, bouillon, pommes en bas ... On traverse cet espace intermédiaire, plus sensible aux variations météorologiques et géologiques du climat.

Nous considérons l’émergence de ces espace intermédiaire comme celui d’un nouveau paysage, pas tout à fait intérieur, ni tout à fait extérieur, plus tout à fait naturel, pas encore totalement artificiel sur lequel s’ouvrent les espaces intérieurs contrôlés et parfaitement isolés. Ce sont ainsi de nouvelles fenêtres qui sont ajoutées à celles existantes, donnant maintenant sur ce nouveau paysage climatique intermédiaire tempérée dans lesquels sèchent les herbes, sont conservés les fruits et les habits, dans lequel on passe quelques instants en changeant d’étages. Nous proposons d’adjoindre dans ces espaces un éclairage artificiel puissant qui palliera de l’intérieur au peu de lumière dû au type de construction en pierres sèches empêchant de large ouverture.

equipe

Jérôme Jacqmin, Irene D’Agostino, Andrej Bernik, Caroline Spielvogel, Jeanne Guerin

maître d'ouvrage

Privé

lieu, date

Mergoscia, Suisse, 2007

^