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La mort chaude

Un projet chorégraphique et spatial

Notre projet se veut le lieu d’une rencontre organique entre l’architecture et la danse. Un lieu où disparait la sépara- tion entre le spectacle et le décor, entre le corps et l’espace, entre les acteurs et les spectateurs, le mouvement et le vide. Un espace, un climat, une chorégraphie, une musique, des costumes. Des danseurs, des musiciens « live ». Ce projet sera le travail d’un architecte et d’un chorégraphe, mais il demandera aussi de passer des commandes spécifiques auprès d’un compositeur musicien, d’un éclairagiste, d’un ingénieur climatique, d’un costumier.

Un espace
Il s’agit de travailler sur une disparition de la séparation entre intérieur et extérieur, acteur et spectateur, corps et espace, dans le sens d’un nivellement, d’une homogénéité croissante jusqu’à atteindre un maximum indépass- able. Il y a la constitution progressive d’un même milieu : un climat à la fois corporel et extracorporel, à 37 °, à 75 % d’humidité, 150 mEq/l H2O de Na+, à 100 mEq/l H2O de Cl-, à 10 000 lux. Habiter son propre corps, quelque part entre l’alvéole pulmonaire et le milieu intracellulaire. Une représentation peut-être de la mort, (être à la même tem- pérature que l’extérieur) mais sous sa forme chaude, (c’est l’extérieur qui a la même température que le corps, à 37). C’est une croissance de l’entropie, atteindre progressivement un climax, celui d’une disparition des limites, la con- stitution d’un milieu homogène ambiant uniforme, sans plus aucune variation, sans plus aucune évolution possible. On atteint un système clos. Les différences individuelles, la variété des températures, la fragmentation de l’ombre et de la lumière, les mouvements, se nivellent. Nous passons progressivement à une immobilisation générale à un degré maximum, où les différences n’existent plus, où tout se fige dans une absence d’individualité, de variation, de vide. L’espace intérieur est à créer entièrement. Un volume où l’on génère et contrôle l’éclairage, le taux d’humidité, la température, le son, la composition chimique de l’air. La place des spectateurs sera peut-être autour de celle des danseurs dont l’emprise progressivement s’étendra à l’ensemble de la salle.

Une durée
La durée du spectacle est celle d’une progression implacable, un crescendo des différents paramètres physiques de l’espace jusqu’à une correspondance parfaite avec le milieu intra-corporel du corps :

En 45 minutes, passer de:

Température 15°C - 37°C
Humidity30% - 75%
Lumière0 lux - 10,000 lux
Battment1 bpm - 70 bpm
Sel0 - 150 mEq / L Na + H2O
Sond’un son unique à 16 Hz

Le spectacle est comme un processus d’entropie, passer de la multitude des énergies, des individualités, pour final- ement, progressivement, s’homogénéiser, se stabiliser, s’immobiliser dans une impossibilité d’évolution. Passer de la vie à la mort entropique, celle d’un univers tiède, gris, où toutes les différences ont disparu. Le chaud et le froid se nivellent dans la tiédeur, le blanc et le noir deviennent gris, sans retour possible, une tragédie. Les corps sur scène sont au départ de l’ordre de l’individualité, chacun à ses propres mouvements, indépendamment des autres, comme une multitude d’énergie. Puis progressivement, la température, l’humidité de la salle augmente jusqu’à correspondre à celle du corps humain. Les mouvements se font plus lents, plus lourds, la gravité gagne jusqu’à mettre tout à terre, immobile, sans plus d’espace entre, plus de mouvement possible.

La musique, nous l’imaginons comme une commande d’une composition originale passée à un musicien. Une mu- sique avec des instruments classiques à vents (du hautbois au cor), une histoire aussi de contamination de l’espace par le souffle rejeté du corps. Et un rythme qui s’accélère jusqu’à se synchroniser au battement du corps, à 70 pul- sations minutes. Et les sons aussi devraient progressivement occupé tout le spectre sonore, du grave à l’aiguë. D’abord une faible intensité (100 lux), la lumière se recompose progressivement, en partant du violet jusqu’à recouvr- ir tout le spectre du visible jusqu’à devenir blanche : une lumière blanche a une intensité maximale, elle occupe tout le spectre électromagnétique du visible, à une intensité de 10 000 lux La fin du spectacle, c’est ce moment où tous l’espace est occupé, où toutes les longueurs d’onde sont occupées, où la salle de spectacle est aussi chaude, salée et humide que le corps du spectateur lui-même : le grand même.

Une chorégraphie
Du point de vue de la chorégraphie, il s’agira de travailler sur un mouvement qui se répand, un mouvement qui d’unité devient unifié. Le dedans dehors et le dehors dedans.

Quel sera le rôle de la peau et de la sueur ? Les odeurs et les chaleurs qui se dégagent des corps ? La courbe de progression au niveau corporel ne sera pas nécessairement régulière, elle pourra fonctionner par à-coups. Jouer sur les différences thermiques des corps ou de leur emballage, en fonction de leur mouvement, de leur vêtement, On jouera sur le dehors-dedans. La question de l’habillement sera donc à envisager, puisque le vêtement isole le corps du froid ou de la chaleur, aussi de l’humidité.

Et le souffle. Un corps consomme de l’oxygène et dégage du Co2. Il remplit l’air d’humeurs, le pollue, le transforme. Il y a une consommation mesurable de l’air ingéré, de l’air rejeté. Un rythme qui s’accélère avec l’intensité du mouve- ment. Le souffle participera à la transformation, à la « mise à niveau » de l’air, à l’homogénéisation de son entourage. Ingère et rejette. Le souffle est le seul élément externe qui entre aussi profondément dans le corps et en ressort transformé plusieurs fois par minute. L’air est fait de gaz et de particules qui ont accès aussi bien à l’extérieur du corps, les parties dures, la peau, les poils, qu’a son intérieur, ses muqueuses, ses organes internes, son sang...

Et le corps du spectateur ? Quel sera son rôle ? Puisqu‘il partagera l’expérience physique des danseurs, il fera aussi partie de la transformation du milieu. Il ne s’agira pas d’être « interactif », mais de tenir compte de la présence de ces corps, de leur souffle, de l’énergie et des calories qu’ils dégagent. De leur présence dans un espace partagé et de leur participation à l’entropie finale.

equipe

Jérôme Jacqmin, Aurore Lemarinier

partenaires

Gilles Jobin, chorégraphe

lieu, date

Paris, France, 2006

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