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musée Tadeusz Kantor

Habiter l’entre-deux des doubles vitrages

Il n’y a pas dans notre projet de délimitation nette de l’espace intérieur par rapport à l’espace extérieur, pas de limite claire et précise, mais plutôt une succession de couches lesquels, l’une après l’autre, filtrent progressivement une certaine quantité de température et de lumière et font passer de l’extérieur à l’intérieur sans que l’on sache exactement quand. Tadeusz Kantor a un jour décrit la situation de l’artiste comme celle de quelqu’un qui marche sans jamais s’arrêter, qui se retrouve toujours devant de nouvelles portes qui se referment devant lui, sans jamais arriver quelque part. Dans notre projet architectural, il n’y a pas de but, pas de salle à proprement parler, mais plutôt des couches d’air comme de longues galeries qui s’étendent, se déforment, donnant naissance peu à peu à un palais de verre comme des espaces d’exposition. Notre intention architecturale pour la « Cricoteka » n’est pas de faire un monument statique mais des lieux fluides de passages, des couches que l’on franchit, que l’on parcourt dans un perpétuel renouvellement de point de vue, de lumières et d’ambiances mais sans jamais arriver vraiment quelque part.

Notre projet offre ainsi un parcours dans son architecture comme une migration à travers la chaleur et la lumière, où chaque couche offre un climat différent comme autant de variations de lieux d’exposition et de conservation. Couche après couche, le climat intérieur, s’adapte, se transforme pour devenir le climat extérieur. Dans cette transformation progressive surgissent autant de climats intermédiaires, autant de températures, autant de luminosités qu’il y a de couches. À la manière des fenêtres contemporaines qui additionnent les couches de verres et de films (verre simple / verre double / verre tripes / verre double IR) pour en améliorer l’isolation en diminuant le coefficient de transmission thermique k (W/m2.K) (verre simple : K =5,6 / verre double : k = 3/ verre tripes : k = 2/ verre double IR = k = 2), notre projet additionne les strates, offrant des températures et des luminosités différentes dans chacune des couches. Notre projet est littéralement une augmentation de l’épaisseur du petit espacement entre deux verres d’une fenêtre à double vitrage jusqu’à en faire un espace habitable. Notre architecture est comme une fenêtre composée de cinq verres, dont on agrandit les dimensions à l’échelle d’un bâtiment. Mais ne nous trompons pas : il ne s’agit pas d’une allégorie symbolique mais bien d’une résolution architecturale de questions techniques contemporaines liées à la thermique du bâtiment, à la réduction des dépenses énergétiques et à la transmission lumineuse. Parce qu’ici, les couches fonctionneront réellement comme des tampons thermiques participant à l’isolation du bâtiment. Les techniques de construction de l’architecture contemporaine ne sont plus monolithes, mais procèdent par addition de couches (bardage, isolation thermique, pare vapeur, double vitrage, parement intérieur). Notre ambition architectonique est de donner à habiter ces couches, ces entre-deux qui sont normalement de quelques centimètres et que nous agrandissons à quelques mètres pour générer des espaces d’une grande variété climatique.

Une qualification sensuelle et physiologique des espaces d’exposition et de conservation
En travaillant de cette manière-ci, notre intention est de faire de la « Cricoteka » un lieu qui réponde climatiquement et sensuellement et physiologiquement par la diversité aux nécessités de conservation et d’exposition des œuvres d’art de Tadeusz Kantor. À l’homogénéité du climat moderne, nous proposons une diversité d’atmosphères comme autant de possibilité de conserver et d’exposer les œuvres d’art sous des lumières et des températures différentes. Selon le type d’objet, selon le type d’activité, comme un migrateur, nous choisirons une couche plutôt qu’une autre, plus chaude ou plus au nord, plus constante dans sa température ou plus lumineuses. Pour les expositions temporaires et permanentes, nous proposons à chaque fois 3 types de lieux : l’un au nord, l’un au centre, l’un au sud, avec, à chaque fois des qualités thermiques et lumineuses différentes. Quant aux activités de type bureau, la cafétéria ou l’accueil, c’est-à-dire les activités qui nécessitent une moyenne constante de température proche de 21 °C, elles seront placées dans les couches intérieures où la température reste constante tout au long de l’année.


Un bâtiment qui s’adapte aux saisons
Notre projet se compose de couches de verre plus ou moins transparentes en fonction de la muséographie du musée. Les deux couches superficielles au nord et au sud du bâtiment fonctionneront différemment en hiver et en été : en hiver, par un effet de serre, il tempèreront le bâtiment en accumulant la chaleur. Un ventilo-convecteur placé au bas de la façade extérieure diminuera l’effet de convection. En été, un système d’ouverture en bas au niveau du plancher et sous le plafond, créera un mouvement d’air typique des façades à double peau qui rafraîchira le bâtiment en empêchant la chaleur de s’accumuler. Quant au chauffage, il sera principalement situé dans les dalles des 2 couches intérieurs, parfaitement isolées par les 4 couches de verre avec aucune déperdition de chaleur, garantissant un excellent rendement, un très faible coût d’exploitation et une réponse à la question du développement durable.

La grande simplicité de construction, le choix juste de matériaux, la compacité de sa forme, sa faible hauteur grâce à l’emploi, en coupe, des strates de double hauteur, font que le coût de ce projet se situe dans l’enveloppe de at PLN 18,598,000 + 22 % VAT.

equipe

Jérôme Jacqmin, Slah Ben Chaabane, Irene D’Agostino, Konrad Chmielewski

maître d'ouvrage

Competition for a museum for Tadeusz Kantor Cricoteka, honorary prize

lieu, date

Krakow, Poland, 2006

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