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Domestic astronomy


Le projet « Domestic astronomy » est le prototype d’un appartement dont on habiterait non plus la surface mais l’atmosphère. Quittant le sol, les fonctions et le mobilier s’élèvent, se dispersent, s’évaporent dans l’atmosphère de l’appartement, se stabilisant selon certaines températures en relation avec le corps, l’habillement et l’activité.

Selon la loi d’Archimède, l’air chaud monte tandis que l’air froid descend et cette réalité physique a une influence directe sur la répartition des températures à l’intérieur d‘un appartement. On peut mesurer de grandes disparités de températures entre le niveau du plancher et le niveau du plafond. Il fait par exemple 19° C au niveau des pieds et 28°C, 3 mètres plus haut, sous le plafond. Cette différence de température est totalement inutile et devient même un problème aujourd’hui face à la question du réchauffement climatique contre lequel les politiques du développement durable lutte en réduisant la consommation d’énergie à l’intérieur des bâtiments. En effet, ces 8°C au-dessus de 20°C, que l’on trouve sous le plafond, sont de l’énergie gaspillée qui ne profite à personne.

Notre propos est aujourd’hui de prendre en compte ces disparités physiques dans la répartition de la température dans l’espace et d’en profiter pour transformer la manière d’habiter l’espace en quittant l’exclusivité d’un mode d’habitation horizontal en intérieur pour un mode d’habitation vertical où l’on peut habiter différentes zones thermiques, différentes strates, différentes altitudes.

Afin d’économiser l’énergie, la norme suisse pour la construction SIA recommande de chauffer les différents espaces de la maison à différentes températures, afin d’optimiser l’énergie dépensée en fonction de l’activité et de l’habillement de ses utilisateurs. Ainsi les espaces où l’on est nu seront chauffés plus fortement tandis que les espaces où l’on ne fait que passer ou bien ceux où l’on est plus chaudement habillé doivent être plus froid. La norme SIA préconise donc de chauffer les toilettes à 15 °C, la chambre à coucher à 16°C, la cuisine à 18°C, le séjour à 20°C, la salle de bain à 22°C. Selon ces objectifs et en relation avec les principes d’Archimède d’ascendance de l’air chaud, nous proposons de répartir le programme d’un appartenant dans l’ensemble de l’atmosphère d’une pièce unique en y cherchant les différentes températures convenant aux différentes fonctions, aux différentes activités de l’habitant et à son habillement.

Astronomie
Il faut ensuite définir la ou les sources de chauffage, par radiation, par convection. L’espace artificiel intérieur de l’architecture est un espace où sont désassemblés les éléments constituant l’atmosphère qui, dans le monde naturel forment un ensemble de relations de causes et d’effets, constituant un système écologique où tous les éléments sont reliés et interdépendants dans des échanges énergétiques, chimiques, physiques et biologiques. Espace, lumière, température, mouvement d’air sont ainsi, dans le monde naturel, totalement imbriqués et leurs variations, dans de grands mouvements astronomiques, temporels, thermodynamiques et biologiques, forment l’atmosphère de la planète comme un écosystème. Notre propos est aujourd’hui de réintroduire en intérieur une sorte de seconde astronomie dont les raisons d’être ne seraient aucunement naturalistes mais au contraire surgiraient au cœur même des dispositifs artificiels de gestation des climats intérieurs artificiels de la modernité. C’est ainsi que nous proposons de réassembler en un tout, de recompacter en un bloc, les différents éléments climatiques séparés par les techniques du bâtiment pour construire en intérieur un écosystème global comme une sorte de nouvelle astronomie d’intérieur où température, lumière, temps et espaces se recombinent en une atmosphère unique, une seule temporalité, une géographie.

Comme le soleil, les lumières artificielles produisent de la chaleur parce que le rayonnement lumineux électromagnétique est de l’énergie en soi. Paradoxalement, la lumière électrique dégage plus de chaleur invisible que de la lumière visible. En fonction de la technique utilisée, une part d’énergie plus ou moins importante sera transformée en chaleur et une autre en lumière. Les ampoules à incandescence utilisées dans l’espace domestique durant tout le 20ème siècle ont un rendement lumineux excessivement faible, puisque que pour une ampoule d’une puissance de 100W, seuls 2W sont transformé en lumière, les 98W restant dans l’invisible comme pure chaleur. Les récentes ampoules économiques fluocompactes ont un rendement lumineux meilleur. Pour une même luminosité qu’une ampoule à incandescence de 100 W, on n’a besoin que de 20 W, et de ces 20 W, 6 W sont convertis en lumière et seulement 14 W sont perdus sous forme de chaleur. En fonction du choix de l’ampoule, une certaine température de lumière sera émise, plus chaude pour les ampoules à incandescence, plus froide avec les ampoules fluocompactes. Ce que l’on constate est qu’en réalité les ampoules que l’on utilise pour éclairer nos intérieurs modernes sont en réalité plus des source de chauffage que de lumière, le rapport étant en faveur de la chaleur, la lumière étant presque une conséquence collatérale mineure de ces sources d’énergie. Cette réalité d’une collusion entre chaleur et lumière devient dans notre projet pour le Louisiana museum le principe d’une production en intérieur d’une atmosphère avec sa météorologie et sa temporalité. Nous proposons ainsi de chauffer l’espace du Louisiana museum uniquement avec de la lumière électrique, d’une façon similaire du système solaire où la source de chauffage, le soleil, est combinée avec celle de la lumière. L’espace du Louisiana est de 225 m3. On peut calculer qu’il faut une puissance de 5000 W pour chauffer l’espace correctement. Nous proposons de produire ces 5000 W par deux sources lumineuses disposé en diagonal dans l’espace, l’une incandescence, l’autre fluocompact. C’est ainsi que pour chaque ampoule, nous produirons 98 W du côté incandescent et 14 W du côté fluocompact, soit 112W par pair. Il faut donc 45 ampoules incandescentes à 100 W et 45 ampoules fluocompactes à 20 W pour chauffer cet espace. Disposées en diagonal dans l’espace, programmées selon un thermostat réglé sur un différentiel de 16°C à 19°C pour le radiateur haut en fluocompact et 15°C - 18°C pour la source incandescence située en bas de l’espace, cette disposition asymétrique provoquera la formation d’un bouchon thermique chaud en altitude qui permettra à la chaleur plus chaude en bas de rayonner horizontalement. Une atmosphère et sa météorologie se constituent ainsi, dans laquelle on habite selon toutes les dimensions spatiales et climatiques, entre des latitudes d’intensités lumineuses et des longitudes de températures de couleurs, des altitudes de températures. Les thermostats provoqueront une temporalité lumineuse en allumant ou éteignant les lampes en fonction des températures mesurées, générant une véritable astronomie en intérieur, avec ses jours incandescents et ses nuits fluocompactes.

equipe

Andrej Bernik, Timothée Boitouzet

partenaires

fabric | ch (modélisation thermique et programmation)
Amy O’Neill (dessins)

maître d'ouvrage

Louisiana Museum of Modern Art

lieu, date

Exposition "Green Architecture for the Future" à Humlebæk, Danemark, 2009

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