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Musée convectif

L’architecture comme climat

Si habituellement, la forme d’un bâtiment et la qualité d’un espace se donne en termes de surface et de volume, nous aimerions ici proposer une architecture comme météorologie et atmosphére. La raison de ce glissement de paradigmes, de la surface vers le météorologique, du volume vers l’atmosphére, est motivée par notre conviction que les enjeux actuels liées au climat, sa protection face au réchauffement et à l’épuisement des ressources, ne doivent pas rester des problémes et des inquiétudes mais au contraire, provoquer des solutions nouvelles. Les architectes doivent s’emparer avec volupté et enthousiasme de ces nouvelles données climatiques plutôt que de les subir comme de nouvelles contraintes techniques. Mais il ne s’agit pas seulement de les accepter, mais plus profondément de faire que les éléments physiques du climat comme pression, dépression, température, humidité relative, deviennent la matiére même de l’architecture, les nouveaux outils du design architectural. Penser l’architecture en termes de climat, c’est se projeter dans une autre spatialité, un rapport plus sensuel et physiologique à l’espace, c’est habiter l’espace intérieur comme une atmosphére; avec ses diversités de climats, ses variations météorologiques, ses hauteurs et ses profondeurs. C’est réinventer le processus de création de la forme et de l’usage en inversant l’ordre traditionnel entre forme et climatisation. Dans notre architecture, c’est d’abord une atmosphére qui est générée. C’est un climat qui est au départ mis en place, non plus homogéne comme le climat intérieur de la modernité, normalisé, conditionné et homogénéisé toute l’année, piéce par piéce à la température exacte, mais au contraire en mouvement, variable, comme une réelle météorologie, avec ses zones tempérées et ses zones froides, ses courants, ses remontées d’air et ses masses descendantes. Et c’est ensuite que le programme est mis en place comme une recherche de convenance thermique, comme croisement entre les températures ambiantes localisées et habillement, activité physique et pure subjectivité.Notre projet se définit au départ par la mise en place dans l’espace de deux pôles de production de chaleur (comme deux radiateurs), l’un plus froid, à 16 ° Celsius, l’autre plus chaud, à de 22° Celsius. Nous choisissons ces 2 températures parce qu’elles fixent les limites basses et hautes des températures requises dans le programme d’un musée, 16°C correspondant au stockage ou aux locaux peu utilisés ou rapidement, 22° C correspondant aux températures maximales des bureaux. Ces deux pôles sont disposés sur la parcelle de façon diamétralement opposés à la fois en plan et en coupe, le pôle plus froid étant de plus placé plus haut que le pôle plus chaud afin de créer un déséquilibre thermodynamique. Ils générent ainsi pour l’ensemble du musée une atmosphére composée d’une multitude de climats et de flux entre 16 et 22°C, des zones différentes de températures dans lesquels on peut librement se déplacer, migrer à la recherche d’une température particuliére. Quand l’air est échauffé, sa pesanteur diminue et il tend à s’élever a un moment donné, au cours de son déplacement, cet air plus chaud va rencontrer le pôle plus froid, se refroidir à son contact et redescendre et ainsi de suite. Cette polarité des deux sources de chaleurs différentes engendre ainsi dans tout le musée un courant d’air circulaire comme un Gulf Stream miniature en intérieur, mais dont la vitesse moyenne de l’air reste inférieure à 0,15 m/s pour ne pas créer de sensation d’inconfort. Ce qui nous intéresse ici, c’est de mettre en place d’abord ce mouvement d’air, lequel va créer dans le volume entier du bâtiment, différentes zones de températures, comme différents climats, différentes ambiances, différentes qualités d’espace propice à différentes activités, à des désirs particuliers. L’architecture sort ici de sa détermination uniforme moderne pour s’ouvrir à une indétermination climatique dans laquelle l’habitant ne se déplace plus uniquement dans l’espace, mais aussi dans une atmosphére, selon des latitudes et des altitudes. Ses déplacements deviennent autant de transhumances et de migrations, l’architecture du bâtiment apparaissant comme une véritable cartographie d’une météorologie et d’une géographie.

Nous dessinons au départ un volume couvrant l’ensemble de l’ancien bloc urbain du 19éme siécle qui correspond à peu près au périmétre constructible du concours. Aux surfaces du musée demandées par le programme du concours nous ajoutons 30% de circulation et 30% de respiration ou de vide que nous pourrons retirer ensuite librement. C’est donc un volume d’environ 100 000 m3 qui est dessiné au départ. Nous y introduisons, dans la diagonal, les deux pôles, chaud et froid, lesquels, par leur différence de température, vont générer une tension thermodynamique qui va mettre en mouvement les masses d’air et dessiner un paysage atmosphérique. A l’aide d’un logiciel informatique, nous modélisons le climat produit lequel définit des zones d’air plus ou moins chaud, des strates de différentes températures, des couches atmosphériques, des espaces et des volumes qui auront chacun des qualités thermiques différentes, dessinant des paysages thermiques, tempérés ici, froids et tropicale plus loin.

Le parti pris n’est que rien ne soit véritablement fermé à l’intérieur de ce volume, l’air peut donc circuler partout, s’infiltrer partout, le regard aussi souvent. Pour laisser passer librement l’air, les planchers et les plafonds sont la plupart du temps en caillebotis spécialement dessinés avec un rapport de pourcentage plein-vide variant en fonction des nécessités du programme. Les cloisons sont également en caillebotis pour laisser circuler l’air et parfois aussi le regard, à l’exception des salles d’exposition où les caillebotis se referment pour devenir cimaises. L’acoustique est contrôlé par une isolation mise dans l’épaisseur des poutres. Les taux d’humidité sont contrôlés séparément en fonction des nécessités de conservation. L’enveloppe extérieure du bâtiment, parfaitement isolée, contient ce climat autonome, cette atmosphére globale dans laquelle on vient placer les planchers et les cloisons sans jamais bloquer les mouvements de l’air globaux et où se dessine dans l’ensemble du volume un paysage comme autant de situations climatiques particuliére. Plus qu’un bâtiment, c’est une atmosphére que nous proposons comme nouveau lieu muséographique

Une fois le climat modélisé, nous y plaçons le programme en cherchant en plan et en coupe les températures en adéquation avec l’usage mais aussi avec les recommandations muséographiques:

Locaux (gens habillés normalement) Température ºC
activité physique trés légére (salles de réunion, auditorium, restaurants)
activité physique légére (salles d’exposition, ateliers, cuisine)
circulation (corridors, cages d’escalier, sanitaires, hall d’entrée)
sans occupation réguliére (archives)
20-21°C
18-20°C
17-18°C
16-17°C

La forme du bâtiment, les agencements intérieurs dérivent donc de cette méthode. Il se crée à l’intérieur du bâtiment de surprenantes transparences où le regard peut s’infiltrer en profondeur dans le bâtiment, à travers les planchers transparents. L’ambition est de parvenir à une architecture aussi ouverte et interprétable qu’une atmosphére. L’ensemble des matériaux est de couleur blanche, en acier laqué. La lumiére artificielle est intégrée dans l’épaisseur des cloisons et des planchers/plafonds afin de réduire les effets d’ombre pour obtenir une luminosité constante et homogéne propice à une utilisation muséographique De grandes ouvertures donnent à des endroits précis sur le paysage urbain.

Equipe

Andrej Bernik, Mayumi Iitsuka, Xiaoyu Pan

maître d'ouvrage

Concours

lieu, date

Wroclaw, Pologne 2008

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