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Jour noir

Vers le diambulisme

L’ambition de notre projet pour l’aménagement des rues Szopy et Kamienna est de mettre en place une nouvelle infrastructure urbaine laquelle devient le lieu possible d’invention de nouveaux comportements sociaux. Notre projet se calque, mais en négatif, sur cette révolution à la fois technique et sociale que fut l’introduction de l’éclairage dans l’espace public au XIXe siècle. Si l’ambition fut autrefois celle, démiurgique, de créer le jour la nuit, de prolonger le jour et ses activités d’éveil dans l’obscurité du soir, nous cherchons ici à renverser ce phénomène. Nous voulons faire la nuit le jour, tirer la noirceur de la nuit et son sommeil dans la clarté des journées. L’introduction de l’éclairage public au XIXe siècle révolutionna la perception de la ville et engendra de nouvelles typologies urbaines comme celle du boulevard. C’est une ambition similaire qui est proposée ici, mais dans l’idée d’une perversion de la globalisation de la temporalité uniforme de la ville contemporaine. Le XIXe siècle et ses réverbères au gaz ont inventé l’idée du noctambulisme et ont transformé la forme de la ville, en y engendrant son utilisation la nuit, avec ses divertissements, ses flâneries sur les boulevards puis le travail nocturne. La conquête de l’espace de la nuit est aujourd’hui quasi achevée. Les émissions télévisuelles et radiophoniques fonctionnent sans interruption, Internet diffuse un temps mondialisé et permanent, les services fonctionnent 24 heures sur 24, les « nocturnes » commerciales se multiplient tout comme les « nuits blanches » culturelles. C’est peut-être au contraire, l’espace de la journée, mais selon d’autres modes d’occupation, qui nous importe, en y déployant de nouvelles temporalités. Notre projet est aujourd’hui une tentation, celle d’inventer le diambulisme, comme la conquête, en pleine journée, d’espace et de temps de nuit et de sommeil. Ce que nous cherchons est bien un bouleversement des comportements, la possibilité d’une nouvelle utilisation de l’espace urbain par la distorsion des cycles astronomiques et la libération des activités humaines des rythmes naturels. L’homme dormait la nuit. Le XIXe siècle a permis de rester éveiller la nuit, de s’y promener dans la rue, d’y travailler ou de s’y cultiver, de s’y divertir à la lumière des réverbères. Ce phénomène de colonisation de la nuit s’est poursuivi au XXe siècle et c’est aujourd’hui vers un jour continu auquel on tend, où l’ancienne alternance entre activité et repos, journée et nuit, est rompue. À cette domestication de la nuit urbaine et aux nouveaux comportements sociaux qu’elle a générés, s’est associée la production d’un nouveau dessin de l’espace public et de son mobilier dont le boulevard en fut l’une des premières manifestations. Réverbère, mise en lumière des monuments, néons, enseignes commerciales multicolores, écrans LED, construisent un paysage et une géographie nocturnes qui diffèrent de la forme diurne de la ville. Notre projet est celui de provoquer des activités nocturnes en pleine journée. Il se donne en cela de définir l’espace urbain du diambulisme, sa structure géométrique, son mobilier, ses définitions physiques et électromagnétiques. Dormir dans la rue l’après-midi, s’allonger sur un lit en pleine journée et en pleine rue, écouter le matin de la musique de nuit, faire la sieste sur une place, ressentir la froidure du ciel nocturne la journée, perdre le regard dans l’obscurité de la nuit.

Pour créer la nuit pendant le jour, nous travaillons sur le rayonnement électromagnétique émis, comme la lampe extérieure traditionnelle. Si le réverbère urbain, comme un mini soleil, émet un rayonnement électromagnétique visible et chaud de lumière comme celui émit par le soleil, notre lampe extérieure émet un rayonnement électromagnétique invisible et froid, comme celui émis par le ciel de nuit. Notre éclairage se compose d'un diffuseur concave prenant la forme d’une mini voûte céleste nocturne, refroidie par l'écoulement d'eau glycolique à la température de 0°C. Le diffuseur, noir, absorbe la totalité du spectre lumineux. Notre corps, à 37°C, perdra de l'énergie, par rayonnement infrarouge, dans la direction de cette mini voûte céleste nocturne glaciale. Il se refroidira par phénomène d'équilibre thermodynamique. Un corps chaud perd toujours de la chaleur au bénéfice d'un corps froid. Nos lampes extérieures produiront ainsi durant le jour une lumière noire et froide comme le spectre électromagnétique de la voûte céleste nocturne. Elles fonctionneront seulement pendant le jour, plus fortement à midi, comme une inversion de la nuit et du jour. Elles sont alignées le long de la rue, selon une conception traditionnelle de l'éclairage public.

equipe

Cyrille Berger, Alexandra Cammas, Irene D’Agostino

maître d'ouvrage

la Ville de Gdansk

lieu, date

Gdansk, Pologne, 2005

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