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Air public

Réintroduire une nécessité physiologique dans la relation entre espace privé et espace public, dedans et dehors

Durant le XXème siècle, la modernité à laquelle sont associées les notions de globalisation géographique, de désynchronisations temporelles et d’industrialisation des techniques, nous avait fait perdre le sens fondamental de la forme urbaine laquelle ne répondait plus dès lors à des besoins immédiats clairement identifiés ni à une gestion des ressources locales comme c’était le cas à l’origine de la formation des villes européennes. Tout était possible ces dernières années et les principes d’urbanisme pouvaient prendre autant de prétextes pour se développer, allant d’une pure sémiologie de signes comme le prônait une certaine forme du post-modernisme jusqu’à la simple expansion spéculative des surfaces bâties.

Avec la notion de développement durable et l’urgence de répondre au problème du réchauffement climatique, on assiste au retour d’une certaine forme de nécessité, où se reforment une pensée de la gestion des ressources, une recontextualisation géographique immédiate du bâti, une nouvelle forme de localisme, à la fois écologique et climatique, dans laquelle une alliance renouvelée entre espace privatif intérieur et espace public extérieur peut se nouer.

Nous aimerions profiter de cet état des faits pour refonder des règles d’urbanisme et redécouvrir une forme de nécessité dans les relations entre espaces intérieurs et espaces extérieurs, environnement architectural et environnement urbain.

Notre projet cherche à fonder un lien inaliénable entre espace public et qualité de l’air intérieur, en proposant de rebâtir ce lien physiologique défait qui pouvait exister autrefois entre extérieur et intérieur, production et consommation. Par exemple, la place et sa fontaine fournissaient de l’eau potable indispensable aux habitants résidant tout autour d’elle. La place prenait ainsi son sens véritable d’espace public, en construisant un lien social dans cette nécessité physiologique de devoir boire. La fontaine générait le sens du vide et organisait autour d’elle le plein. Elle provoquait ensuite un lien social dans cette activité quotidienne qui était celle d’aller chercher de l’eau dehors.

Réintroduire une nécessité physiologique dans les principes d’urbanisme nous semble être une attitude responsable et fascinante aujourd’hui où la gestion des ressources et la préservation des écosystèmes deviennent primordiales. Sans nostalgie, nous faisons passer l’une des raisons urbaines de l’espace public d’autrefois qui était celle de l’approvisionnement en eau à une raison toujours contemporaine, celle de l’approvisionnement en air. Que l’espace public devienne le lieu où se façonne l’air, sa qualité, sa température, chaude en l’hiver ou froide en été, en relation avec un climat, un albédo, une végétation, sa dépollution, que l’air organise la forme, l’aménagement et les matériaux de la place publique, nous semble aujourd’hui être nécessaire dans une réactualisation du sens de l’espace public, d’une requalification du dehors dans une certaine nécessité physiologique du dedans de laquelle seulement peut naître une vie sociale et des échanges entre les habitants.

Une place d’air chaud, une place d’air froid
Notre projet se déploie entre deux pôles thermiquement différenciés, deux espaces publics construits aux deux extrémités du site. L’un est au nord-ouest, l’autre au sud-est, l’un chaud, l’autre froid, l’un minéral l’autre végétal, l’un à la lumière, l’autre à l’ombre, l’un absorbant la chaleur, l’autre la réfléchissant. Du premier espace, au nord-ouest, le plus chaud, minérale, lumineux et noir, nous en tirerons l’air durant l’hiver pour alimenter les logements en un air préchauffé, à la manière du puit canadien. De la seconde place au sud-est, végétale, remplie d’arbres, sombre et plus fraîche, dont nous étendons virtuellement l’espace au parc du cimetière, nous viendrons en tirer l’air plus frais en été, à la manière du puit provençal, pour alimenter l’ensemble des logements dans un système de ventilation double-flux. Pour chacun de ces deux pôles, nous choisissons précisément les qualités thermiques des matériaux, leur albédo, leur couleur, leur végétalisation afin de renforcer la chaleur de l’air dans la place du nord-ouest ou de la diminuer dans la forêt du sud-est. Ces deux espaces publics, chauds et froids, deviennent les sources d’air sur lesquels vient se brancher le système de ventilation double-flux des bâtiments d’habitations et de l’école.

Le parti urbain de notre projet est de construire ces deux places aux extrémités du site et de tendre entre elles le bâti. Les bâtiments se tissent entre ces deux espaces publics. Les couloirs de distributions des bâtiments deviennent des gaines de ventilation augmentées à l’échelle humaine et praticables dont les extrémités, comme des embouts se branchent sur les places publiques pour y puiser l’air ambiant dont la qualité thermique aura été élevée sur la place minérale du nord-ouest ou abaissée dans la forêt du sud-est.

Le quartier se polarise entre deux places publics majeurs dont l’aménagement relève d’une mise en valeur de l’air, sa structuration, où le logement se tend entre deux pôles d’air, un pôle chaud et un pôle froid. Entre ces deux espaces majeurs, se déplient 7 bandes paysagères, tendu entre le nord et le sud, qui, graduellement, d’Ouest en Est, font passer de la place minérale au Nord-ouest à la forêt du sud-est, du chaud au froid, du minéral au végétal, en alternant des bandes aux qualités géologiques et végétales différentes, entre friche, jardins potagers, arbustes, arbres fruitiers et forêt auxquels sont associés des usages qui profitent des qualités paysagères et des atmosphères de chacune des bandes: jeux de plages, jardinages, sport sur surface minérales, jeux, jogging délassement, promenades dans les prés, cabanes dans les arbres.

Des typologies climatiques
Les bâtiments s’articulent chacun autour d’une gaine de ventilation agrandie pour devenir une rue intérieure qui parcourt les bâtiments de manière continue et fluide reliant la place chaude au nord-ouest à la place froid au sud-est. Cette gaine vient y chercher l’air plus frais ou plus chaud selon la saison. Un système automatisé permet en fonction de la saison, de la température extérieure, d’ouvrir la gaine sur la place chaude ou alternativement sur la place froide, afin d’y puiser l’air à la meilleure température et de gagner ainsi quelques degrés. L’hiver, ce sera l’air de la place minérale du nord que nous respirerons. L’été, ce sera l’air frais puisé à l’ombre des arbres du sud que nous respirerons. À chacune des extrémités de la gaine se trouve un échangeur d’air double flux qui permet de préchauffer / rafraîchir l’air rentrant avec l’air récupéré vicié sortant par un autre canal. La gaine de ventilation qui sert aussi de couloir est en argile, épaisse, afin d’emmagasiner la chaleur ou respectivement la fraîcheur dans l’inertie de sa masse tout en régulant l’humidité. Cette gaine concentre les distributions horizontales des bâtiments afin de renforcer les liens sociaux tout en se dilatant à certains endroits afin d‘accueillir des programmes communs et collectifs et quelques jardins intérieurs composés de plantes dépolluantes. Le dessin de cette gaine peut se déformer selon les différentes typologies d’appartements, cela permettant une caractérisation forte et individualisé de son tracé.

La structure porteuse des bâtiments est composée de poteaux porteurs permettant de grandes variations d’aménagement et de modifications des appartements au cours des années. Notre ambition est d’offrir pour chaque appartement une qualité spatiale unique en travaillant selon différentes hauteurs, différentes profondeurs, en majorité traversants, entre des typologies très classiques sur un niveau jusqu’à des typologies plus ambitieuses se déployant sur plusieurs niveaux, à choisir en fonction de la catégorie d’âge ou le mode de vie. L’aménagement des appartements se fait selon un calcul des variations de température en fonction de l’entrée de l’air neuf dans l’appartement au niveau de la gaine. Par une étude thermographique physique, nous aménageons les différentes fonctions en relation avec les mouvements de températures intérieurs selon les recommandations de la norme SIA 384/2 en plaçant les fonctions qui nécessitent les températures les plus fraîches près de la gaine (chambres, wc, cuisine) et celles qui demandent des températures plus hautes en suivant, selon la loi d’Archimède, le mouvement ascendant de la chaleur.

L’ensemble de la construction est en bois. L’eau des toilettes et celles du jardinage provient de la récupération de l’eau de pluie. L’eau chaude sanitaire est produite par des panneaux solaires placés en toitures.

Les sous-sols sont concentrés sous l’école et dans la partie ouest du site afin de faciliter une construction par étape selon les différents investisseurs mais aussi pour permettre à l’est d’avoir une véritable végétation, en pleine terre, où peuvent pousser de vrais arbres.

Au nord, les nouveaux bâtiments viennent refermer l’îlot urbain en s’alignant en front de rue. Au sud, ils s’ouvrent vers le parc du cimetière, accentuant l’ouverture et le glissement du front de rue vers le parc et la nature.

equipe

Andrej Bernik, Timothée Boitouzet, Renaud Pinet, Alessia Zambon, Irene D'Agostino, Maxime Leclerc

maître d'ouvrage

Ville de Genève

lieu, date

Geneva, Suisse, 2009

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