A propos de Philippe Rahm architectes Actualités Projets Publications Contact



Radiation

Conduction Convection
Pression

Evaporation Digestion





cliquez
images plein ecran



 <       > 
 1     2     3     4     5     6     7     8     9     10     11   

Hormonorium


L’Hormonorium est une proposition pour la conception d’un nouvel espace public. Il s’appuie sur la disparition des limites physiques entre l’espace et l’organisme révélée par la biologie et les neurosciences. Dépassant la médiation visuelle et métrique, établissant une continuité entre le vivant et le non-vivant, l’Hormonorium ouvre à l’invisible, aux déterminations électromagnétiques et biologiques. La compréhension des mécanismes physico-chimiques régissant les organismes engendrent une modification de la compréhension de l’espace et par là même de notre mode d’habitation de l’environnement. L’Hormonorium s’offre comme un espace immédiat, ne recourant plus aux moyens sémantiques, culturels ou plastiques pour la fabrication d’architecture. On peut en cela établir la même différence entre l’Hormonorium et l’espace moderne, qu’entre la génétique et la chirurgie plastique, ou entre les thérapies chimiques et la psychanalyse : il s’agit d’agir en amont de la forme, à un niveau infra-formel, en modifiant l’information elle-même donnant naissance à la forme, au comportement, à la pensée. Par thérapies chimiques, par modification des causes organiques, en amont des manifestations formulées psychologiquement, par modification de la matière de la pensée plutôt que la pensée. En exerçant une influence en deçà des sens et de la peau, l’Hormonorium établit une synthèse de l’organique, de l’humeur et de l’espace en établissant une continuité entre l’architecture et le métabolisme humain, entre l’espace, la lumière et les systèmes endocriniens et neurologiques. L’Hormonorium est un espace physiologiquement stimulant, sans libre-arbitre humaniste, participant en cela à l’inquiétude contemporaine quant à l’évolution actuelle de la nature humaine, entre déterminisme biologique, espoir thérapeutique et mort ontologique du sujet.

L’Hormonorium s’offre comme un espace public intérieur, à la mesure d’une piscine, d’un hammam ou d’une église : des espaces climatiquement déterminés, par la lumière, par la température, par la qualité de l’air, lesquels impliquent le corps, mais où certaines fonctions restent indéterminées : se reposer, se muscler, s’oxygéner, se rencontrer, draguer, discuter, se regarder, se recueillir, se laver, se tonifier, etc. L’Hormonorium se donne comme un climat, proche de celui de la haute montagne, mais aussi comme un ensemble de dispositifs physiologiques, agissant sur le système endocrinien et neurovégétatif. On peut y voir une sorte de représentation physiologique de la haute montagne, à ingérer, par la respiration, par la rétine, par le derme. Le sol est constitué d’un faux plancher lumineux éblouissant, réalisé en plexiglas pour laisser passer les UV. Il est constitué de 528 tubes fluorescents lesquels émettent une lumière blanche reproduisant le spectre solaire avec UV-A et UV-B. A cause de son rayonnement inversé, émis depuis le sol comme c’est le cas sur la neige, les paupières, les cils et l’inclinaison naturelle de la tête ne font plus obstacle au rayonnement lumineux. Cette lumière très intense, entre 5 000 et 10 000 lux, stimule la rétine, laquelle transmet à la glande pinéale des informations entraînant une diminution de la sécrétion de la mélatonine. En baissant ainsi le taux de cette hormone dans le corps, on participe à la diminution de la fatigue, à l’augmentation probable du désir sexuel ainsi qu’à la régulation de l’humeur. Par la présence d’UV-A, on bronzera dans l’Hormonorium, tandis que les UV-B permettront la synthèse de la vitamine D.

En augmentant le taux d’azote dans l’Hormonorium, on réduit la quantité d’oxygène en passant d’un taux de 21 % à un taux de 14,5 % d’oxygène correspondant à celui que l’on trouve en altitude, aux environs de 3000 mètres. L’espace raréfié en oxygène engendre une légère hypoxie pouvant tout d’abord se manifester par des états cliniques tels que confusion, désorientation ou conduite bizarre, mais aussi une légère euphorie par la production d’endomorphine. À partir d’une dizaine de minutes, on peut mesurer une augmentation « naturelle » du taux d’Erythropoïetine ( EPO ), de l’hématocrite et un renforcement des systèmes cardiovasculaires et respiratoires. L’Erythropoïetine est produite par les reins. Cette hormone protéique gagne la moelle des os, où elle stimule la production des globules rouges, ce qui accroît l’apport d’oxygène aux muscles. La diminution du taux d’oxygène aura ainsi un effet dopant pouvant améliorer les capacités physiques du corps jusqu’à 10 %.

L’Hormonorium constituera donc un climat stimulant physiologiquement l’organisme tout en offrant un nouveau modèle d’espace public décontextualisé, dégéographisé. Un lieu physico-chimique, un déplacement partiel de climat de la haute altitude au bord de la mer, pour le bien être, pour la santé, pour l’équilibre de l’organisme à travers la régulation du système neurovégétatif, mais aussi un lieu de potentiel transformation de nos performances corporelles, par dopage, par modification physiologique de la nature humaine. Une architecture infra – fonctionnaliste, un lieu dont la visibilité s’élargit dans les hautes et les basses longueurs d’ondes du spectre lumineux, dans l’invisibilité des compositions chimiques de l’air, une architecture endocrinienne, à respirer, à s’éblouir.

equipe

Comme Décosterd & Rahm, associés: Jérôme Jacqmin, Catherine Rossier

partenaires

Prof. Urs Scherrer (Department of Internal Medicine, CHUV, Lausanne), Dr. Anna Wirz-Justice (Center for Chronobiology, Psychiatric University Clinic, Bâle), Elena Solari (Mestre-Venise), AIR (J-B Dunckel et N. Godin)

maître d'ouvrage

Office fédéral de la culture de la Suisse

lieu, date

8e Biennale d’architecture de Venise, Pavillon suisse, Venise, Italie, 2002

^